Visas

Publié le par Pascal

Faire les demarches pour obtenir les visas pour le Rwanda et le Congo RDC c'est remettre un pied dans le quotidien quelque peu galere du voyageur et l'occasion de se demander si  l'on a reellement envie d'y mettre le deuxieme.

Malgre tous mes efforts et ceux de mes amis sur place, les autorites rwandaises n'ont pas jugé bon de me delivrer le precieux sesame, en l'occurence la «facilite d'entree» que l'on peut se procurer par internet. Il  aurait pourtant suffit que je leur prouve mes intentions pacifiques en reservant  une excursion avec l'ORTPN, l'agence de monopole touristique du pays, mais l'idee de depenser 600 dollars au bas mot pour une heure de contact rapproche dans les brumes avec les derniers gorilles «sauvages» de la planete, ne m'a pas foncierement donné envie de franchir le pas.

Bien sur la rupture des relations diplomatiques entre nos deux pays y est  pour quelquechose mais il faut voir la avant tout les symptomes de la «dictaturite» une maladie endemique dans le monde et particulierement dans le continent africain.
A vrai dire, au premier regard, lorsque l'on visite le pays on est seduit par le calme, la securite, par le sentiment apparent de reconciliation, un peu trop peut etre....Comme le dit le vieil adage Il faut quequefois se mefier de l'eau qui dort : les avenues desertes de PyongYang en Coree du Nord ne sont elles pas calmes spacieuces et agreables elles aussi? L'URSS ne semblait elle pas etre un pays de cocagne lorsque des waggons d'intellectuels francais s'y bousculaient apres la Revolution? (J'en profite a ce sujet pour vous conseiller la lecture de l'excellent «retour d'URSS» d'Andre Gide).
Au Rwanda, on croit assister au miracle du pardon absolu 13 ans seulement apres l'une des barbaries les plus finement achevees de l´Histoire. Malheureusement tout n'y est pas aussi rose, meme si les accents pastel de cette couleur sur les tenues des prisonniers accuses de genocide et condamnes au travaux d'interet general, adoucissent quelque peu le tableau.
En creusant un peu on remarque que la peur est latente, que le traumatisme est profond et que la plaie est toujours vive.
C'est en discutant sur place avec certaines personnes averties que l´on entrevoit les restrictions de liberte et l'omnipotence de l'etat. La societe rwandaise est controlee de facon pyramidale. Chaque groupe de 10 maisons constitue une cellule de base et est surveille par un referent. Dix referents seront a leur tour surveilles par un referent superieur et ainsi de suite jusqu'au chef de l'etat. Autant vous dire qu'un petit blanc bec de passage ne passe pas inaperçu surtout quand il est francais! Alors vous pensez bien que lorsque le meme blanc bec au plumes cocorico tente de revenir une deuxieme fois en moins de deux mois dans le pays les signaux d'alarme virent au rouge. Qui sait si a l'heure qu'il est la photo de mon doux visage n'est pas placardee sur les murs des services de contre espionnage? Cela flatte presque mon ego de m'imaginer en James Bond franchouillard des temps modernes!
Les librairies aussi sont revelatrices de la pensee unique: aucun livre sur les implications possibles des membres du gouvernement actuel dans la  terreur passee et presente. Toujours une seule version de l´Histoire. Il ne s'agit pas ici de taire ou de minimiser les responsabilites nauseabondes evidentes et averees de l'etat français dans l'eclosion et gestion du genocide (que je developperai du reste dans un prochain article) mais bien de regarder le plus objectivement possible les deux parties.
Je laisse aux exegetes historiens et autres specialistes le soin de debattre sur les concepts de democratie, ou sur l'utilite d'une dictature ou d'un pouvoir fort pour stabiliser un pays car il faut bien avouer qu'a defaut d'etre totalement libres les rwandais vivent en paix relative et leur pulsions belliqueuses de vengeance semblent contenues. La reelle question est jusqu'a quand?





Les conditions d'obtention  du visa congolais sont elles aussi impenetrables. Outre les formalites habituelles et les modestes 85 euros qu'il faut deposer directement sur le compte bancaire postal de l'ambassade (obtention ou non du visa) il est necessaire de montrer patte blanche grace a une invitation de votre hote local authentifiee  par une mairie congolaise. A premier vue cela semble realisable mais en pratique presque impossible a moins d'y mettre une petite somme d'argent. Comme me l'a fait remarque un ami journaliste ayant vecu sur place quelques annees les services administratifs sont quasis inexistants et manquent de tout: papier, encre, tampons, stylos.... alors votre attestation vous pouvez toujours la voir en reves.

Fort de mes relations avec certains artistes congolais en France je gagne le droit par un simple coup de fil, de penetrer dans l'ambassade parisienne situee a Alma-Marceau, cours Albert 1er. Le batiment est imposant, son architecture la seule chose que l'on ne peut pas piller et emporter sous le bras avec soi en sortant du travail, temoigne de la gloire passee.  On sent l'ombre de Mobutu, chapeau en leopard sur la tete, grosses lunettes woodstock-seventies, se faufiler dans les immenses couloirs et sous les hauts plafonds de l'edifice suivi de ses sbires. Les hauts dignitaires de l'Afrique des diamants ont du passer des heures bien agreables par ici. Mais le champagne n'y coule plus a flot depuis bien longtemps. Il ne reste plus de la splendeur que de large miroirs casses, de vieilles tapisseries sombres et rabougries. Les marbres ont ete retires et du parquet il ne reste que la colle sur le sol. Plus l'on gravit les ecaliers plus l'appartement devient vetuste. Des cadavres  de vieux fax et telephones, de poelles de chauffages façon germinal et autres quincailleries sont disposes deci dela au hasard des pieces vides. Du haut d'un balcon en fer rouille vous apercevez parfois l'ombre d'un fonctionnaire qui passe et  vous regarde suspicieusement et parfois vous demande sechement que vaut l'honneur de votre presence sous ces toits. Les portes grincent, ferment mal. L'ambiance est lourde, lugubre, kafkaienne. Mon contact sur place me reçoit finalement et expedie mon dossier dans le bureau voisin. Il est passablement enerve par l'insistance relative de certaines de mes questions, l'entrevue est rapidement expediee. Je passerai le reste de la journee a attendre dans un cafe bourgeois-branché voisin le petit papier magique et a jauger la temperature de mes desirs d'Afrique . Une ambassade ce n'est pas simplement un batiment, c'est un territoire,la partie integrante d'un pays, c'est l'expression de sa situation socio-politico-economique.  Etre dans cette ambassade c'est etre au Congo, c'est sentir son delabrement, le pillage de ses ressources a l'image du pillage de l'edifice.

Les rires et l'amicalite des quelques dizaines congolais attendant comme moi la resolution administrative de leur sort n'y feront rien, je perçois bien que mon desir est ailleurs et que je ne suis plus pret  pour l'instant a retourner affronter l'Afrique. Pour penetrer ce continent il faut y aller corps et ame ou ne pas y aller au risque de se laisser deborder et d 'etre une proie facile pour les lions des savanes et des villes. Le deces de mon pere a laisse mon coeur exsangue et je dois lui laisser le temps de regenerer son energie. Il est temps pour moi de vivre autre chose, autrement,  de profiter de l'affection de mes proches.

Paradoxalement c'est donc mon visa congolais en poche que je decide de mettre fin a mon epopee et de retrouver le monde tel que je le connais. Cap donc vers l'occident et son symbole le plus extreme: New York. La m'attendent deux amis pour panser mes plaies et partir sur de nouveaux rails.

Qu'il est bon d'arriver sous un toit ou l'on se sait deja accueilli...


Affaire a suivre....





Publié dans La route

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M
Contente d'avoir enfin de vos nouvelles, mais, c'est sur que l'on ne se remet pas en 1 jour de la perte d'un être cher. Il faut passer par pas mal d'étapes et on ressurgit toujours à un moment, mais différent et alors les projets doivent changer et les priorités ne sont plus les mêmes. "Le livre de la vie est le livre suprême qu'on ne peut ni fermer ni rouvrir à son choix" Vous avez changé votre iténaire mais l'important et de faire ce que vous aimez dans le présent. Moi je ne travaille plus depuis 5 mois, j'ai des propositions mais pour le moment j'ai envie de profiter de ma liberté. En ce moment je regarde le film "Le seigneur des anneaux" et je vous imagine trés bien dans cette aventure.<br /> Les photos de la fin au rwanda sont trés belles et à bientot pour la suite de ce nouveau voyage
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