Ilha do Mozambique

Publié le par Pascal



Arriver  a l'Ilha do Mozambique c'est traverser le temps et se retrouver directement au temps des decouvertes.

Un petit rappel historique s'impose. En 1498 notre cher Vasco de Gama embarqua a la recherche de la route des indes en coutournant la pointe de l'Afrique , c'est a dire le Cap de Bonne Esperance recemment decouvert par Bartolomeu Dias - ce dernier n'avait pu continuer plus avant a cause d'une mutinerie a bord de son vaisseau. Donc apres avoir passe ce Cap, les premieres terres ou s'arreta Vasco de Gama furent Natal sur la pointe orientale de l'Afrique du Sud , puis Ilha do Mozambique  a l'extreme nord de l'actuel pays. Comme son nom l'indique c'est une ile, reliee uniquement au continent par un pont ferme la nuit, ce qui donne a l'endroit une securite et une atmosphere unique.

Tout de suite on tombe sous le charme de la forteresse quasi intacte ou du moins cote exterieur, avec encore une cinquantaine de canons toujours pointes a l'horizon. On sent presque toujours flotter l'odeur de la poudre dans l'air et la tension des valeureuses batailles navales tant l'endroit est reste vierge et tant l'horizon invite a l'imagination... . Et toujours cette question qui ne cesse de me tarauder: qu'est ce qui poussait  mes ancetres - outre le cote financier j'entends - a partir ainsi a l'aventure, dans ces mers inconnues et obscures infestees de betes soi disant monstrueuses? Qu'est ce  qui pousse un homme a toujours vouloir aller plus loin , a affronter les vents et les dangers? D'où vient et comment puiser cette force....? La Foi peut etre....la Foi.... Modestement, a mon petit niveau, j'ai experimente et senti la force des elements s'abattre sur notre petite embarcation a voile lors d'un petit orage en mer, et je peux vous dire qu'on fait moins le fier dans ces moments là et que c'est beaucoup moins romantique que cela de se retrouver dans ce genre de galere... alors imaginez  en pleine tempete, au milieu de l'Atlantique en 1498 , dans un gros voilier avec comme uniques amis les rats et le scorbut!

 



 La ville possede egalement d'autres vestiges de ce glorieux passe.  L'ancien palace du gouverneur transforme en musee Sao Paulo, ressemble  a un mini Versailles mozambicain, ses meubles superbement sculptes respirent l'orient de Goa a Macau et l'harmonie des bois et des couleurs est saisissante! Le plus incroyable est que je suis le seul touriste car c'est la saison basse , donc tous ces monuments semblent presque m'appartenir et je me prends a rever d'etre le Baron des lieux ! Bien sur egalement beaucoup d'eglises bercees par des palmiers, de vieilles maisons coloniales aux couleurs lisboetes jaune, roses, vert pastel souvenirs des vieux comptoirs... Et ce qui marque le plus l'esprit  lorsqu'on se promene dans ces rues et dans ces ruines , c'est  bien sur cette sensation de paradis perdu, comme si le temps c'etait arrete... IL y a une ambiance mi Angkor miTchernobyl et mi Lamartinienne (cela fait beaucoup de mi !). Les debris d'une piscine des annees trent achevent ce tableau  romantique d'une touche digne de la vieille Olympie et du temple du  Parthenon.

 


 

Voila pour le joli decor, mais ou sont les habitants me direz vous? Et bien c'est là où cela se corse. La premiere moitie de l'ile, celle que je viens de vous decrire est presque inhabitee sauf par quelques pauvres gens qui profitent de l'abandon des lieux pour y trouver un toit, ou par des etrangers ou bobos mozambicains de Maputo qui ont intelligemment compris la richesse de ces pierres et qui du coup ont transforme ces vastes maisons delabrees en superbes lofts ou maison d'hotes.L'autre moitie de l'ile elle est le lieu de residence de la population locale de la tribu Makua, une des grandes communautes du Nord du Mozambique. La plupart ont fuit la guerre civile il y a 15 ans, pour venir ce refugier dans ce havre de paix. Ils sont ,pour la plupart, de confession musulmane et gardent une unite traditionnelle tres belle a voir. C'est d'emblee leur gentillesse qui nous touche droit au coeur, meme si  au bout d'une semaine on comprend bien vite que le blanc reste toujours au premier contact une possible planche a billets. Lasse d'etre a chaque discussion sollicite pour tous motifs de salvation (veuve, ecole, chaussure,nourriture, etc...) et par les personnes de tout age et toutes conditions,on est bien oblige de leur faire comprendre qu'on ne va rien leur donner et que s'ils veulent s'en sortir ils doivent trouver une maniere de travailler. D'ailleurs,quand je leur dis que meme en europe l'argent ne tombe pas du ciel et que si j'en possede c'est bien parce que j'ai beaucoup travaille, ils comprennent tres vite. Donc, une fois passee cette premiere phase, les portes s'ouvrent et la discussion prend place. Quel humour et quelle gentillesse! Lors de certaines apresmidi , je me suis tant arrete pour parler et pour serrer des mains que j'avais l'impression de m'etre transforme en Jacques Chirac lors des ses fameux deplacements au salon de l'agriculture! Les makuas ce sont aussi ces femmes enroulees dans leur capulana orange ou marron, ces hommes a l'Islam tranquille et pacifique  qui sont etonnes de vous voir prier avec eux un vendredi ( j'ai d'ailleurs ete agreablement surpris de leur acceptation que Dieu est le meme pour tout le monde et que seuls changent les chemins et cultures pour y arriver), et ces enfants qui sont partout partout ( de l'ecolier au danseur, du petit mendiant au joueur).




Se ballader la nuit sur l'ile est une sensation egalement magique. Lumieres jaunes tamisees a la lisboete sur les murs des batisses coloniales (encore une fois), rires d'enfants dans la rue, danses  et chants Dofo qui consistent a encenser le parti de la mairie au pouvoir, cinemas improvises (100 autour d'une tele pour regarder un film ou un match de foot portugais apres avoir paye un petit droit d'entree)... Et que dire de ce marche de nuit a l'ambiance enivrante de serenite, avec ses femmes silencieuses allongees pres de leur panier a la lueur d'une bougie et de la lune, attendant qu'un passant vienne leur acheter quelque pain, calamar ou poisson  frits? Il semble que la nuit efface toutes les miseres et toutes les necessites du jour. Car vous vous doutez bien que la description que je vous fait des lieux est celle d'un gentil reveur mais leur realite du quotidien est bien plus dure. La misere est bien là, tranchante, incontournable et douloureuse dans les yeux et dans la vie de la plupart de ces pauvres gens. Il est quelquefois bien difficile de les voir marcher vetements veritablement en haillons, chemises dechirees, tee shirts noirs de salete, de se ballader au milieu de leur village, et de voir les enfants se baigner dans les flaques d'eau de la precedente pluie et qui sont le nid des futures diarhees et epidemies de Cholera a venir (une par an). Mais le spectacle le plus etrange a voir est celui de la plage.... enfin je veux dire des toilettes publiques, car le tout venant fait ses commodites là meme, sur le sable ou du haut d'une roche. Il y a parfois des rangees de gens accroupis sur la plage,fesses tourneees et caressees par la brise maritime faisant leur devoir le plus intime. Je ne vous parlerai meme pas du gout un peu azote de l'air, des jeux au milieu des detritus divers, de l'hopital tout droit sorti du Hussard sur le Toit de notre ami Giono...etc..etc...

Malgre toute cette misere je continuerai toujours à partager d'Isabel, une veterinaire mozambicaine rencontree en chemin, que "la plus grande richesse de l'ile ne reside pas dans ses belles pierres mais bien dans ces gens là que tout le monde veut mettre dehors" .

Je pourrais vous raconter aussi les nuits passees sur la plage deserte da Carrusca en face de l'ile, a dormir dans une hutte gardee par un jeune analphabete de 25 ans dont les yeux ont brille lorsque je lui ai explique deux trois bases d'astronomie ( on a du mal a imaginer a quel point point les gens sont dans l'obscurite tant l'education est mauvaise et tant les gens n'ont pas acces a l'education), des couchers de soleil rose et bleu pastel schamallow, ainsi que de l'eglise de cinq siecles de la Cabeceira Grande allure un peu western spaghetti  salvadorien et des petits gardiens de chevre autour d'elle, malheureusement il se fait tard et il faut que j'en garde un peu pour les longues soirees d'hiver à passer pres du feu, et pres de vous mes chers amis....

 

Je suis arrive hier a Pemba ou deja se profile une histoire invraisemblable a venir....

Affaire a suivre....

 


(CF. PHOTOS ILHA)

Publié dans La route

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