Butare

Publié le par Pascal

A mesure que l'on se rapproche du Rwanda les paysages deviennent de plus un plus grandioses, les vallees de creusent et la hauteurs des montagnes s'eleve. La vegetation perd peu a peu sa nature tropicale pour pendre des caracteristiques beaucoup plus occidentales. Comme par un tour de prestidigitation les pins remplacent les bananiers et la brume a raison du soleil brulant. Seule  l'absence de neige et de vaches Milka permet de ne pas se croire en Suisse.




A la frontiere de Kanyuru-Haut aucun souci par rapport a ma nationalite francaise , car pour ceux qui ne suivent pas, les relations diplomatiques entre nos peux pays sont rompues depuis Decembre. Je m'arrete a Butare la premiere ville car je suis epuise par mon tour express de la campagne burundaise. C'est une ville universitaire tres agreable dit-on, c'est donc avec plaisir que je prend ma place dans le joliment decore Hotel des Beaux-arts. L'ambiance est bien differente de ce cote de la frontiere. Beaucoup moins grouillant et moins desorganise. On a vraiment l'impression d'etre dans une ville: de vraies rues goudronnees, des batiments neufs et oh miracle, des passages cloutes que je n'ai  plus apercu  depuis le 13 decembre!  Je retrouve mes reperes et cela fait du bien. Les gens sont egalement tres calmes et poses. La securite est totale , meme la nuit ce qui permet a la substance reticulee de mon tronc cerebral ( centre de la vigilance pour les impies en physiologie) d'arreter de bombarder mes cellules grises.


La premier interet de Butare reside dans son musee national. L'exposition des differentes oeuvres est d'une beaute saisissante et d'un didactisme plus que professionnel. Tout y passe: de l'histoire a la geologie, de la geographie a l'anthropologie, des arts a la religion. Je me delecte de ces informations . La vie africaine est parfaitement mise en valeur, loin des cliches, ce qui est extremement rare dans ces contrees. Je fais connaissance avec la haute tradition de vannerie rwandaise dont la minutie de fabrication et les motifs laissent perplexe. Les coutumes divinatoires sont egalement uniques : lecture dans la salive, dans la disposition d'ossellets, dans le bec de poussins. Les photographies sont magnifiques notamment celles d'hommes pratiquant le saut en hauteur. Les tambours exposes sont les trophees des victoires tribales que l'on decorait des parties genitales des vaincus  (triste sort pour des parties si nobles mesdames...). Je suis rassasie par ce bain de culture.




Le deuxieme interet de la ville, ou du moins facon de parler, est son memorial situe a Murambi pres de Gikongoro . Ames sensibles s'abstenir, car c'est le seul site du pays qui expose a l'oeil nu la depouille traitee  de centaines de victimes du Genocide. Dans ces anciens batiments de l'ecole technique s'etaient refugiees 50000 personnes a qui l'on avait fait croire le lieu sur et protege. Tactique classique: reunir pour mieux tuer. En 1994, en quelques jours, presque tous ont ete extermine avec la brutalite que l'on connait par les milices et villageois hutus. Les corps mutiles de tous les ages et de toutes les tailles sont la pour en temoigner. Les centaines de depouilles d'enfants le crane fendu par l'assassine machette sont rangees en rang d'oignons et restent figees dans la position ecartelee de leur dernier cri. Ces corps sont exposes comme de macabres "oeuvres" inertes, sculptees des mains de leur ultime "artiste-bourreau", Mr Souffrance. Cette vision lugubre  est difficilement supportable mais l'experience acquise lors de mes cours d'anatomie me permet de juguler la nausee qui m'etreint et de rester relativement stoique. Je suis par contre bouleverse par le temoignage du guide des lieux. Il me raconte comment lui a reussi a se refugier au Congo pendant que toute sa famille perissait en ces lieux meme. Comment peut il supporter que l'un de ces cadavres puissent etre un des siens? Quel calvaire pour cet homme d'etre confronte a chaque visite au souvenir de ces heures noires, de raconter toujours la meme histoire et de replonger eternellement dans une blessure encore toute beante? Maladroitement je fais l'erreur de lui demander comment les tueurs faisaient  pour differencier les deux  ethnies, le rappellant ainsi a la question qui a fait basculer injustement tant de Tustis dans le monde des morts. Je lis dans ses yeux l'extreme douleur  toujours presente au fond de son coeur et decide d'arreter la les frais, avant de le voir s'effondrer et de me voir effondrer a mon tour.





Mais ce qui me touche le plus c'est le contraste entre la  beaute du lieu et la barbarie des evenements passes. Je ne peux m'empecher pendant quelques secondes de m'imaginer ici avec ces 50000 personnes il y a 13 ans, la peur au ventre, regarder le spectacle d'une armee de genocidaires devalant les magnifiques collines au loin, pour venir nous egorger. Incomprehensible, inimaginable.... Quelques secondes, quelques secondes seulement, je prend conscience de la peur indicible qui a du ecraser ces hommes, femmes et enfants promis a  la lame gourmande de la  machette. Et je peux vous dire que cela fait froid dans le dos...



Pour la premiere fois egalement je ressens une certaine gene a etre francais, car d'apres les dire du guide et d'apres certains echos persistants, le Coq Gaulois c'est bien mal comporte pendant ces heures noires. Je monte justement demain a Kigali pour mener l'enquete...


Affaire a suivre....

Publié dans La route

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